Entretien avec Joël de RESISTANCE

J'avais déjà interviewé cet excellent groupe de Heavy/Thrash dans le 1er numéro de mon zine (interview bientôt disponible ici même) et j'ai décidé de remettre le couvert suite à la sortie de leur 2eme album, A Tale of Decadence. Un disque qui met en évidence les qualités de composition et l'originalité du combo Alsacien après un premier opus efficace mais beaucoup moins homogène. Cette fois ci, c'est Joêl, le guitariste, qui s'est collé aux réponses et ça tourne évidemment beaucoup autour de son instrument fétiche, de ses influences. Bonne lecture.

Salut Joël ! Qu’est-ce que tu écoutes de beau ces jours ci ?

Salut Julien ! Les derniers disques que j’ai écouté sont Ape uprising de SLOUGH FEG,

The music of erich zann de MEKONG DELTA, et Blue print de RORY GALLAGHER…

Comment et quand as-tu découvert le Hard/Metal ? Ca t’a accroché tout de suite ou non ? T’écoutais d’autres trucs à cette époque ?

J’ai découvert le Hard en 1994 avec l’album Youthanasia de MEGADETH, à l’âge de 14 ans, lors d’un voyage scolaire en Angleterre : j’avais un peu d’argent de poche à claquer, un pote m’a conseillé ce disque et ça m’a tout de suite plus : la grosse gratte, la voix de Dave Mustaine. A l’époque je n’avais quasiment aucune culture rock, j’écoutai principalement RENAUD et un peu de variété…Peu de gens dans mon entourage (famille ou potes) écoutait du rock ou du metal, ça a été une putain de révélation comme on dit !

Comment es tu venu à la guitare ? Et pourquoi cet instrument et pas la basse ou la batterie ?

Tu as pris des cours ou t’es autodidacte ?

Mon frangin avait à l’époque une guitare classique. Un pote m’a montré deux trois riffs et voila ! J’ai pris 3 ans de cours et je continue depuis en autodidacte.

Parlons un peu de ton groupe, RESISTANCE. Votre album est sortit l’année dernière et la progression est assez extraordinaire par rapport à votre 1^er LP, je le trouve beaucoup plus personnel et disons, « fouillé ».

Vu que c’est un concept album où les textes prennent une importance considérable, comment vous avez abordé la composition de ce second disque ?

L’idée du concept album, le choix de l’histoire et l’écriture des textes a été entièrement gérée par Nathaniel. Pour la musique, la plupart des idées viennent de moi mais, contrairement au premier album ou j’avais pratiquement tout composé seul, il y a eu un gros travail commun pour les structures et les arrangements.

C’est l’alchimie complète entre vous 4, tout le monde tirant dans la même direction ou alors vous avez des débats animés et tentez toujours d’aboutir à un consensus ? Combien de temps cela vous a pris pour composer A Tale of Decadence?

En fait, on essaie d’être assez libres. On n’a pas de limite particulière par rapport à un style ou un autre : si c’est bon, si ça thrash, si ça groove, on prend, sinon on jette. Les débats étaient plus centrés sur les structures des morceaux dont les riffs étaient déjà validés plutôt que sur la direction musicale à prendre.

On a mis plus de 2 ans pour composer A tale of decadence! Tout de suite après Bang your fucking skull! des idées nouvelles sont apparues, mais le batteur de l’époque est parti. Il y a eu toute une période où on a peu écrit, Marti nous aidait juste pour les concerts, la situation était un peu instable…pour se stabiliser quand Marti à rejoint le groupe en tant que membre à part entière. Après on a pris beaucoup de temps pour fignoler les morceaux, on avait le sentiment d’avoir quelque chose de correct entre les mains, mais on pouvait  encore l’améliorer. On a souvent passé plusieurs répètes complètes sur un morceau pour au final le recommencer à zéro, textes y compris .On en a chié pas mal, mais on est satisfait du résultat.

J’ai trouvé que la musique se suffisait à elle-même, quelle raconte également une histoire, avec des atmosphères, des riffs qui reviennent souvent pendant l’écoute, une vraie homogénéité ! C’est voulu j’imagine ?

Oui et non ! Quant on a décidé de faire un concept album on s’est dit que se serait l’occasion de faire revenir un thème plusieurs fois, ou de reprendre un riff sur un autre morceau. On voulait vraiment créer une homogénéité comme tu dis, une unité pour donner une identité à l’album. C’était marrant de  jouer avec nos riffs, de les ralentir, les transposer, les changer un peu…C’est d’ailleurs comme ça qu’on a écrit la version définitive de Bloody Nun : en fait ce morceau est une succession de variations du premier riff en trois grandes parties. La première annonce le riff et ses premières variations. Dans la deuxième partie, on double le tempo, on place un solo. Et la troisième partie propose des variations sur un rythme ternaire. C’était pas du tout prévu au départ, beaucoup de choses se sont faites comme ça, un peu par hasard, alors que d’autres étaient réfléchies comme par exemple de terminer l’album avec le thème du premier morceau The preach.

Est-ce que les riffs te viennent naturellement ou alors t’es plutôt du genre à fouiller sans cesse pour trouver le bon feeling, la couleur recherchée ?

Encore une fois, c’est un peu les deux ! Bizarrement le plus souvent quand je bosse des heures pour utiliser une gamme ou une idée spécifique rien de bon ne sort et c’est quand je m’y attends le moins que je ponds les meilleurs riffs !

Comment s’est passé le studio ? Ca a été une vraie souffrance avec des prises à faire, et à refaire ? Raconte-nous un peu.

En studio le plus dur, c’est d’attendre, tu passe 10% du temps à jouer et 90% à tourner en rond ! Surtout en tant que guitariste, il y d’abord la batterie puis la basse et enfin la guitare, et la bonjour : il faut enregistrer la guitare rythmique (bien que certaines pistes aient été conservées des sessions d’enregistrements de la batterie), puis la réenregistrer une deuxième fois. Là vient le chant (il faut encore attendre, de plus sans picoler !) Puis les solos, les arrangements, les sons clairs…etc.

Qu’est ce que tu préfères : Le live ? Le studio ? Les répètes ?

Le live ! En concert je suis comme en transe. Headbanger avec la musique à fond, les potes, la bière : c’est de l’adrénaline pure ! En 40 minutes j’oublie tout le reste et je me fais plaisir !

En studio t’es tout seul et en répète on est quatre, mais en live on est au moins 18, y a pas photo!  

Est-ce que votre groupe est voué à rester ancré dans le Heavy Metal ? Sur ce 2eme album, vous avez pris des risques en incluant des instruments qui sont originaux pour du HM (gadulka, orgue Hammond), et on sent quand même une influence seventies par ci par là. C’est votre touche perso ? Celle qui vous évité d’être « un énième groupe » ?

Comme je t’ai dit avant, on essaie d’être libre et ouvert à toute bonne idée. C’est le cas dans la composition, mais aussi dans la musique qu’on écoute et qui nous influence. Cette touche perso se fait inconsciemment. Est-ce qu’on restera ancré dans le Heavy Metal ? Si c’est le Heavy des 5 derniers albums de GRAVE DIGGER, qui est toujours le même, non. Si c’est le Heavy  à la fois traditionnel et audacieux, de MANILLA ROAD, JIMI HENDRIX, HAMMER OF MISFORTUNE, BLOOD CEREMONY  ou le premier SAXON, oui !

Déjà une idée de la direction à prendre pour vos futurs enregistrements ?

On prévoit d’enregistrer un mini-album de quatre morceaux.L’idée de base est que chaque membre du groupe compose un morceau. Après, bien sûr, on fignole ensemble. On a d’ailleurs déjà abandonné et recommencé plusieurs pistes. Mais d’autres meilleures arrivent !

Tu es le seul guitariste dans RESISTANCE. Est-ce que cela a un impact sur ta façon de jouer et de composer ? Tu ressens plus de responsabilités ? Ou au contraire un manque niveau « impact sonore » ?

On a préféré cette formule à une guitare, car comme ça chaque membre du groupe a une importance particulière, spécialement la basse, qui dans bon nombre de groupe de Metal est bien planqué derrière deux guitares qui font d’ailleurs souvent la même chose ! (ce n’est pas le cas de tout les groupes PAGAN ALTAR ou SLOUGH FEG par exemple qui exploitent énormément les possibilités du jeu à deux guitares). On a fonctionné comme ça depuis notre démo, je ne ressens pas de pression particulière par rapport à ça, c’est même plus facile en live, je suis plus libre de faire des variantes ou d’improviser un peu. C’est plus vivant. (Je peux aussi plus facilement masquer mes pains et fluctuations rythmiques). Pour l’impact sonore : pendant les solos Florian mais la disto sur sa basse donc on n’a pas de baisse de régime, et le reste du temps on est tous les quatre au même degré d’importance. C’est plus frais comme ça.

Bon faut dire que vous avez la chance d’avoir un sacré bassiste également dans le groupe, un mec qui fait chanter sa basse comme les groupes le faisaient dans les glorieuses 70s et 80s. J’imagine que ça aide à se sentir à l’aise quand on construit des mélodies et des solos ?

Je lui fais régulièrement l’amour pour le remercier d’être aussi bon !

Vu qu’on a qu’une gratte, on essaie au maximum de jouer des notes différentes à la basse et à la guitare. Florian amène non seulement ses propres idées, sa personnalité, mais il travaille aussi beaucoup sur le son de sa basse .Ca fait partie de l’originalité de RESISTANCE.

D’ailleurs je me dis souvent que les mecs dans les 70s/80s, c’était quasi tous des putains de zicos, avec un vrai talent de composition, un feeling, sans parler de leur technique, des « guitar heros » quoi (je parle pas de shredders...) Depuis les années 2000, c’est une espèce en voie de disparition non ?

Comme tu dis, aujourd’hui tu as un nombre incroyable de super techniciens mais qui sont chiants à mourir, sans aucun feeling. Une fois de plus c’est la quantité au dépend de la qualité ! Ca manque de sueur, de passion…

Justement, t’es du genre à bosser ton instrument tous les jours, à faire des gammes ou alors t’es plus cool ?

En temps normal (ce qui n’est pratiquement jamais le cas), j’essai de jouer une demi-heure par jour, histoire de ne pas perdre la main. J’ai des connaissances de base en solfège, que j’utilise pour composer et je m’intéresse à la théorie pour diversifier les compos, mais je ne cours pas après la technicité.

Niveau technique/feeling, est ce que tu te sens limité pour jouer ce que t’as envie ?

J’adore CORONER, FORBBIDEN  et MEKONG DELTA, je bosse des fois leurs morceaux pour me donner des challenges, pour progresser, et même si je n’atteins pas leur niveau technique, cet exercice influence mon jeu.     

Quelles sont tes influences niveau 6 cordes ? Peux-tu nous citer tes 5 guitaristes favoris et nous expliquer ton choix ?

-1) RORY GALLAGHER :

Rory est mon guitariste favori. En premier lieu pour son feeling. Il est très bon techniquement mais il n’en fait pas des montagnes, il recherche toujours la note juste, celle qui fait vibrer ! Il se met respectueusement au service de la musique. Il est polyvalent, il joue aussi bien en électrique, en son clair, en acoustique, en open tunings, au bottleneck, aux doigts, il s’accompagne aussi à l’harmonica et joue du saxophone et de la mandoline !

2) HANK SHERMANN

Il a écrit pour MERCYFUL FATE des riffs et des solos magnifiques. Le côté spontané, un peu punk et super efficace de ses rythmiques me font toujours headbanger. Dans ses solos il ne joue jamais la note qu’on attend et utilise des gammes bizarres (intentionnellement ou par hasard, je ne sais pas mais en tout cas ça le fait !)

3) MARK SHELTON

La passion que dégage ce mec se ressent dans son jeu, c’est simple et efficace. En quelques accords, en deux riffs il te fait un morceau complet. Sans parler des solos inspirés seventies…

4) RITCHIE BLACKMORE

Les riffs qui restent dans la tête, notament, cette particularité qu’il a de ne pas jouer la tonique de ses accords (Smoke on the water, Man on the silver moutain), laissant la place à la basse…

Ses solos : ils sont très fluides, ça coule tout seul, tu te dis que ça ne doit pas être trop dur à jouer. Là, tu essaie et tu te rends compte de son niveau technique !

5) JEFF WATTERS

ALICE IN HELL, bordel!!!

Tu joues sur une Flying V mais je crois quelle est un peu spéciale vu le Floyd rose !?! C’est une Gibson ?

Non, c’est Florian qui l’a créée ! Il est luthier.Il s’est effectivement inspiré de la flying V de GIBSON.On a rajouté un Floyd rose pour les solos. On a d’ailleurs plus tard traversé et creusé entièrement le corps de la guitare pour avoir un débattement suffisant lorsqu’on tire le Floyd à fond. On a ensuite rajouté une plaque au dos de la guitare pour à la fois masquer le trou créé et gagner quelques millimètres de profondeur !

Je joue avec des micros DI MARZIO, le corps est en érable avec une fine couche d’acajou au milieu d’un manche traversant. Cette guitare est plus maniable que la GIBSON car plus équilibrée, je suis vraiment super à l’aise avec sur scène !

Ce modèle de guitare est un peu le summum de la classe en ce qui concerne le hard rock et le heavy metal des années 80s (UFO, MERCYFUL FATE, METALLICA, DIAMOND HEAD et j’en passe). Rock on !!!

…et dire que les bluesmen des années cinquante, jouaient sur des flying V car personne n’en voulait (trop futuristes !) et que du coup les magasins les bradaient !

C’est rare les guitaristes qui ne possède qu’une guitare, surtout quand ils jouent dans un groupe. Alors qu’est ce qu’il y a d’autre chez toi ?

A part la flying, j’ai une IBANEZ RG 270 c’est ma première guitare électrique. Elle possède aussi un Floyd mais Florian a bloqué le chevalet, comme ça je peux l’utiliser avec des accordages différents.J’ai aussi une guitare folk IBANEZ et une guitare classique ESTEVE.

Mais le meilleur de tout ça reste mon ukulélé Bob L’Eponge flying V !!!

Quel ampli tu utilises ? T’es plutôt dans le trip « je me branche sur la tête et basta » ou alors t’aimes bien tester des effets, des pédales diverses ?

J’ai une tête d’ampli MARSHALL JVM 410.C’est une tête 100 watts tout lampe.

Elle possède un canal clean, un canal crunch, et deux canaux de disto. Chaque canal est encore subdivisé en trois sous-canaux de gain différents, je peux régler la reverb par canal. Un pédalier MIDI me permet d’appeler mes mémoires rapidement.Comme pédales, j’utilise uniquement une Wah-Wah DUNLOP, et un super delay à deux mémoires KORG. J’ai aussi un accordeur et un réducteur de bruit BOSS. (Pour diminuer le ronflement et les parasites de la tête, pas pour jouer moins fort !)

Voilà Joël, je crois que j’ai fait le tour ! Merci à toi et longue vie à Resistance !

Je te propose un p’tit jeu pour finir :

1. Ton album de chevet

 9  de MERCYFUL FATE et 9  de GEORGES BRASSENS

2. L’album sur lequel tu aurais aimé jouer

Les deux Keeper of the seven keys d’HELLOWEEN

3. Ta guitare favorite

      La mienne !!!

4. La guitare de tes rêves

      Une flying V acoustique ou une flying W !

5. Le musicien que tu respectes le plus.

 RORY GALLAGHER

MERCI A TOI

BANG YOUR FUCKING ZINE

 JOEL.

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